Homélie du 15 Août du Père Maxime (Lc 1,39-56)

« Lève-toi et pars en hâte ! »

« Marie partit en hâte… » C’est la phrase fétiche des Journées Mondiales de la Jeunesse qui viennent de s’achever il y a une dizaine de jours ! C’est aussi la première phrase de l’évangile que nous venons de lire. Luc place ce départ subit de Marie vers la maison d’Elisabeth, juste après l’annonce de la naissance de Jésus, son propre enfant. Annonce combien déconcertante et au terme de laquelle, après avoir exprimé tout son questionnement, elle a prononcé son consentement par ces étranges paroles : « Voici la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole ! ».

Marie partit en hâte. Les mots utilisés dans la langue de l’évangile sont bien plus expressifs encore. Littéralement : Marie se lève (elle se met debout) et part en hâte… vers le haut-pays dans une ville de Juda. »« Lève-toi », commente le pape François au million de jeunes rassemblés à Lisbonne « Et va ! Va, en hâte, vers l’autre. Cours vers tous les autres, vers le pays qui n’est pas forcément le tien. Va vers l’autre différent de toi ! »  

Aller vers l’autre, oui, mais pour quoi faire ?

Là, le pape rappelle la phrase de Marie au terme de son questionnement intérieur : « Je suis la servante du Seigneur. » Partir, oui, mais pour servir, pour se mettre au service de l’Autre. C’est ce que fait Marie qui part, naturellement pour se mettre au service de sa cousine qui vit ses derniers mois avant l’accouchement de son propre enfant, et qui, à son âge, a besoin d’aide, de soutien et surtout d’une présence aimante et confiante.

Quelle aide Marie peut-elle apporter à sa vieille cousine, étonnamment enceinte, contre toute vraisemblance, à son âge ? Quelle aide peut-elle lui apporter, alors qu’elle est encore si jeune et inexpérimentée ? Que lui apporte-t-elle en fait ? Elle s’apporte elle-même, avec son propre ventre légèrement arrondi. Elle apporte, avec sa présence de jeune femme, la présence d’un autre qui l’habite. Elle apporte sa Joie ! Et elle sera accueillie par son aînée, remplie elle-même d’une autre présence, et bondissant de joie ! Alors, toutes les deux se mettent à bondir de joie !

« Lorsque vous vous serez levés et que vous serez sortis de vos canapés – dit encore François – lorsque vous vous serez levés pour courir vers l’autre, vers tous les autres, pour vous mettre au service du monde… alors vous connaitrez la vraie joie ! Alors vous ferez l’expérience d’être habités par la présence du Christ en vous, et vous serez accueillis par eux dans la Joie. Vous connaîtrez vous-mêmes la Joie de découvrir la présence de son esprit chez les autres ».

Ainsi commence l’aventure de la rencontre de Dieu avec l’humanité dont il est passionnément amoureux. C’est ce qui s’est passé lors de la visitation de Marie à sa cousine Elisabeth. C’est ce qui s’est passé dans la communauté de Luc lorsqu’elle s’est ouverte aux autres, aux non-juifs, aux païens, pour annoncer la Bonne Nouvelle de l’Evangile à toutes les nations !

Qu’est-ce qui s’est passé à Lisbonne, l’autre Week-End ? Une démonstration de puissance de l’Eglise à un moment où on la disait agonisante ? Une revanche de la vielle chrétienté sur la sécularisation galopante ? Une bulle éphémère qui éclatera sitôt gonflée ?… Les médias sont pris de cours. Les observateurs extérieurs ne savent plus comment interpréter ce phénomène étrange et déroutant. Les clés habituelles ne suffisent plus pour comprendre ce qui s’est passé au bord de l’océan – entre terre, ciel et mer – dans la capitale du Portugal ! Ce qui s’est passé est de l’ordre de la visitation de Dieu lui-même à la jeunesse de son humanité bien-aimée. Ce qui s’est passé est de l’ordre de l’amour et pas seulement des phénomènes observables.

En ces temps de guerres et de misères de tous ordres. En, ces temps de bouleversements de nos sociétés et de notre humanité qui crève de soif et qui a faim de pain, de respect et de reconnaissance… ce qui se passe dans les JMJ, et dans beaucoup d’autres manifestations collectives – religieuses ou non – est de l’ordre de la métamorphose. Pour reprendre une phrase forte de François comme il aime nous adresser : « On entend les gémissements du monde. Ce ne sont pas les gémissements d’une agonie mais d’un accouchement ! »

Oui, notre vieille terre est en train d’accoucher d’une humanité nouvelle, principalement représentée par notre jeunesse. Une humanité qui ne supportera plus l’étalement des inégalités criantes. Une humanité qui ne supportera plus la destruction de la création, notre maison commune. Une humanité qui ne supportera plus le mépris de la personne humaine, femme, homme ou enfant. Une humanité qui a soif de respect, de reconnaissance et de beauté. Et qui veut entrer dans le mystère de la visitation, dans la culture de la rencontre ! Alors, non seulement mettons-nous à l’écoute de notre jeunesse, mais laissons éclater en nous, quel que soit notre âge, la jeunesse de l’Esprit qui qui bouillonne en nous comme elle bouillonne dans le creuset de notre monde. « Le monde nouveau est déjà là. Ne le voyez-vous pas ? »[1]

Notre Dame de Lourdes à Ronchin – le 15 août 2023 – Maxime Leroy.

[1] Isaïe 14, 19 – 2° Corinthiens 5, 14-17.

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