Homélie du 16 Avril du Père Maxime (Jn 20,19-31)

Cher.e.s   ami.e.s

C’est le deuxième dimanche de Pâques, appelé traditionnellement « dimanche de la miséricorde » L’évangile est celui du récit de la rencontre de Thomas avec le ressuscité. Thomas qui ne croit que ce qu’il voit… ou ce qu’il veut bien voir et entendre…

Bonne lecture et excellente semaine.

Maxime.

« La Paix soit avec vous ! »

Ce texte de Jean m’inspire deux réflexions que je voudrais partager avec vous. Elles concernent toutes les deux la paix. La paix extérieure et la paix intérieure.

D’abord la paix extérieure, la paix sociale. Deux fois de suite, à huit jour d’intervalle, le ressuscité fait irruption au milieu du cercle des disciples enfermés et barricadés dans leur peur. Achaque visite, il leur offre son salut, le salut commun à toutes les langues sémitiques : Shalom aleyhem – Salam aleykoum – La paix soit avec vous ! Bien plus qu’une simple salutation d’usage, c’est réellement une offre de Paix !

La paix, on en a bien besoin aujourd’hui. En Ukraine et dans tous les pays en guerre bien sûr, mais aussi dans notre propre pays en proie depuis trois mois à un rapport de force social et politique jamais vu depuis longtemps. Comment réalise-t-on la Paix ? Jésus nous indique un chemin. Tout en saluant ses disciples, il leur montre ses mains et ses pieds transpercés… Et huit jours plus tard – à Thomas, qui avait été absent et s’était montré incrédule – il va même jusqu’à l’inviter à toucher ses plaies et à mettre sa main dans son côté. Thomas, saisi par cette invitation si intime, se laisse tomber sur les genoux en murmurant : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »  Ce qui nous apparaît ici comme une superbe confession de foi est en fait le geste et la parole exigés de tout citoyen romain lorsqu’il accomplit le culte dû à l’empereur. Thomas fait ce geste et dit ces paroles pour son ami Jésus, victime broyée par la justice de l’empereur. C’est le monde complètement inversé !  Mais c’est le chemin de Jésus pour faire advenir la Paix.

La paix ne peut pas résulter de la puissance imposée par qui que ce soit, fût-il empereur. La pax romana n’est qu’un simulacre de paix.  La véritable paix ne peut trouver sa source que dans l’amour et dans l’amour donné jusqu’à l’extrême ! Ce ne sont pas les  calculs en surplomb ni les astuces prétendument juridiques qui peuvent conduire à la paix. Ce sont les corps et les visages des femmes et des hommes broyés par la guerre, la clameur des peuples opprimés et humiliés qui peuvent faire bouger les lignes en faveur de la Paix. Les voyons-nous ? Les entendons-nous ? Moïse les a vus et entendus lorsque du milieu du buisson ardent, il entendit cette voix : « J’ai vu la misère de mon peuple. J’ai entendu le cri que lui arrachent ses oppresseurs. Je connais ses souffrances et j’ai décidé de le délivrer. Toi, Moïse, va libérer mon peuple ! » Pas de paix véritable, pas de paix durable, sans se laisser toucher, bousculer, sans se laisser remettre en cause par le visage et le cri de ceux qui souffrent. Et sans entrer en dialogue avec eux sur cette base-là.

Ma deuxième réflexion concerne la paix du cœur… Après avoir salué ses disciples, Jésus avait soufflé sur eux de son souffle saint – de son Esprit-Saint – en leur donnant le pouvoir de remettre les péchés. On sait qu’à l’époque, les gens croulaient sous le poids de la culpabilité. On leur avait tellement enfoncé dans le crâne qu’ils étaient foncièrement pécheurs et que tous les malheurs qui leur tombaient sur la tête étaient des châtiments divins, qu’ils avaient fini par le croire ! Alors imaginez l’immense joie de s’entendre dire que l’on peut mutuellement se délivrer d’un tel destin funeste. Quel bonheur ! Quelle libération !  Ce condamné à mort – ressuscité d’entre les morts – vient nous dire que la paix entre nous et avec Dieu est enfin possible et qu’il a tout donné pour cela. Ses mains, ses pieds et son côté sont là pour en témoigner. La voilà la vraie « miséricorde ». Quelle Joie ! Et ça concerne qui, ce pouvoir-là ? Les douze ? Oui, car on se réfère souvent à ce texte pour parler du sacrement de réconciliation donné par les évêques et les prêtres, mais ça vaut aussi pour nous tous, ici réunis ! En effet, ce ne sont pas seulement les douze apôtres qui sont présents à la scène (d’ailleurs Thomas était absent) mais tous les « disciples », d’après le texte de Jean. Il est désormais entre nos mains à tous, ce « pouvoir » du pardon mutuel… sans lequel il n’y a pas de véritable paix !  

Le texte se termine par ces mots de Jésus : « Parce que tu m’as vu, Thomas, tu as cru. Bienheureux ceux qui sans avoir vu, ont cru. » D’après les évangiles l’expérience de la rencontre avec le Ressuscité, par les premiers, disciples est unique. Ils témoignent de ce qu’ils ont vu. Qu’ont-ils vu exactement ? La diversité des textes des évangiles ne permet pas d’en avoir une idée précise, mais c’est pourtant sur leur témoignage que repose notre foi en la Résurrection du Seigneur. Mais pour nous qui ne l’avons pas vu, où et comment faisons-nous l’expérience de la rencontre du Ressuscité ? Le texte d’aujourd’hui nous donne des indications précieuses. Et c’est sans doute l‘expérience ce ceux qui ont écrit cet évangile…  quelques 60 ans après la mort de Jésus. 

Où faisons-nous donc l’expérience de la rencontre du ressuscité ?  D’abord dans la communauté rassemblée pour le repas dominical. Ici, aujourd’hui, maintenant, alors que nous rencontrons les frères, écoutons la parole de Dieu et partageons le pain eucharistique. Mais aussi, tout autant, dans les plaies, les visages tuméfiés, les mains brisées et les pieds usés… dans toutes les blessures de notre humanité. Surtout quand tous les blessés de rassemblent et se lèvent pour tenir debout. Alors si nous pouvons voir toutes ces réalités avec un regard nouveau, nous croirons !

         « Debout, nous voulons vivre debout

            Avec tous ceux qui ne peuvent plus marcher

Vivants, nous voulons rester vivants

Avec tous ceux qui n’ont rien à espérer » Diaconia 2013.

Eglise du Christ Ressuscité à Ronchin – le 16 avril 2023 – Maxime Leroy.

Cliquez ici pour télécharger le texte au format PDF